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Décision d’intérêt : Non-respect du schéma de couverture des risques – Une ville est partiellement responsable des dommages causés par un incendie

Publié le 18 août 2022

Montréal, le 18 août 2022 – L’UMQ désire porter à votre attention une décision récente de la Cour d’appel du Québec dans laquelle la responsabilité civile d’une ville a été retenue suivant le non-respect de son schéma de couverture des risques (« schéma ») lors d’un incendie. La majorité des trois juges de la Cour ont maintenu les conclusions du jugement de première instance, selon lesquelles la Ville est responsable de 25% des dommages, car elle n’a pas acheminé 10 personnes sur les lieux d’un incendie dans les 10 minutes de la première alarme, comme le prescrivait son schéma et son plan de mise en œuvre du schéma. 

Rappelons qu’en 2000, le législateur québécois a adopté la Loi sur la sécurité incendie (« LSI »). Ceci faisait suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville de), dans laquelle le plus haut tribunal du pays a retenu la responsabilité civile d’une municipalité pour des actes et omissions commises par son service de sécurité incendie. Afin de contrecarrer la paralysie qui s’est installée dû à la menace de poursuite et pour inciter les municipalités à mettre en place des services de sécurité incendie, une immunité a été accordée aux municipalités dans la LSI. Lors d’une intervention, une municipalité est exonérée de toute responsabilité à condition qu’elle ait adopté un plan de mise en œuvre du schéma et qu’elle ait pris ou réalisé les mesures prévues dans le plan. Cette immunité ne peut toutefois exonérer une municipalité pour le préjudice dû à sa faute lourde ou intentionnelle. 

Dans la décision sous étude, les trois juges de la Cour d’appel s’entendent pour souligner une erreur commise par le juge de première instance. Ce qui importe pour l’immunité n’est pas le respect du schéma, mais bien le respect du plan de mise en œuvre du schéma. Le schéma prévoit des objectifs de protection optimale et non pas des obligations inflexibles. Toutefois, pour les juges majoritaires, cela ne change pas le résultat puisqu’ils considèrent que le plan de mise en œuvre imposait une obligation de déployer 10 personnes en 10 minutes à l’époque où se sont déroulés les évènements, ce que la Ville n’a pas fait. Par conséquent, ils considèrent que la Ville ne peut bénéficier de l’immunité de la LSI. Or, le juge dissident apprécie différemment l’étendue des obligations découlant du plan de mise en œuvre du schéma. Selon lui, le plan de mise en œuvre prévoyait l’engagement de déployer 10 personnes en 10 minutes seulement en 2015, soit trois ans après les évènements, lorsque toutes les mesures pour atteindre cet objectif seraient réalisées. Ainsi, selon lui, la Ville devait bénéficier de l’immunité et être exonérée de toute responsabilité 

Pour les juges majoritaires, l’analyse continue. Une fois qu’ils ont établi que l’immunité ne s’applique pas, ils devaient analyser si selon le régime de responsabilité civile, la Ville a commis une faute qui la rendait responsable des dommages. Il est important de noter que contrairement au juge de première instance, la Cour d’appel ne considère pas que l’omission de respecter le schéma et plan de mise en œuvre équivaut automatiquement à une faute civile. Ce sont les circonstances particulières de cette cause qui amènent la Cour d’appel à conclure que la Ville a commis une faute. Il faut donc retenir que ce n’est pas chaque cas de non-respect du plan de mise en œuvre qui sera considéré comme une faute génératrice de responsabilité civile. 

Notons également que les juges diffèrent également quant à l’interprétation à donner à l’immunité prévue à la LSI. Selon la décision concordante, comme la mesure d’immunité déroge au droit commun, elle doit être interprétée de façon restreinte. Or, dans la dissidence, le juge considère que l’immunité doit être interprétée de façon large, conformément aux intentions du législateur de donner aux municipalités une large protection dans le cadre de leurs interventions en sécurité incendie. 

Veuillez noter que le délai pour porter cette décision en appel n’est pas expiré. 

Pour consulter le texte intégral de la décision, cliquez ici (Ville de Trois-Rivières c. Royal & Sun Alliance du Canada, société d’assurances, 2022 QCCA 1105). 

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