Publié le 23 septembre 2024
Les défis auxquels fait face la politique municipale au Québec reflètent une réalité mondiale. Mais comment les Villes à l’international abordent-elles ces problématiques ? Laurence Bherer, professeure de science politique à l’Université de Montréal et chercheuse au Centre d’études et de recherches internationales, nous dévoile des perspectives enrichissantes dans le domaine de la démocratie participative.
Pour relever des défis complexes comme l’érosion des berges et l’itinérance, de nombreuses municipalités adoptent des chartes de participation visant à renforcer la collaboration avec les citoyens. « Cela se fait beaucoup en Europe, particulièrement en France, affirme Laurence Bherer. L’idée, c’est de faire de la co-construction, de travailler d’égal à égal, comme partenaires, sur des enjeux difficiles. Cela vient avec toute une série d’engagements à prendre pour réaliser ce travail collectif en matière, notamment de transparence et de qualité d’écoute. La charte est élaborée ensemble et donne le cadre pour tous. C’est un outil de collaboration. »
La Ville de Strasbourg a sa charte de participation tels Le Pacte Citoyen et plusieurs autres dans la même veine, notamment son pacte Penser, aménager et construire en transition écologique, signé par plus de 130 partenaires publics et privés en urbanisme pour coopérer en faveur de la transition écologique. Ensemble, les signataires ont collaboré à des engagements sur des thématiques comme l’énergie, la santé environnementale et les matériaux de construction.
Un peu comme on le fait pour créer un jury pour un procès, le jury citoyen est formé par un tirage au sort. « C’est une façon d’augmenter la représentativité, d’aller chercher des personnes citoyennes qui ne viendraient pas par ellesmêmes », explique Laurence Bherer.
Ces personnes sont invitées à prendre connaissance d’un enjeu délicat, il y a des rencontres, des questions précises sur lesquelles elles doivent se pencher, des experts à rencontrer et à la fin, elles font des recommandations. « C’est un processus qui prend du temps, on parle souvent de plusieurs mois, précise la chercheuse. C’est un peu comme le principe des audiences publiques, mais au lieu que ça passe par des commissaires, on utilise l’intelligence citoyenne. »
Le modèle du jury citoyen a été élaboré aux États-Unis dans les années 1970 par le Jefferson Center dans le domaine de la santé. Puis, le modèle a été adapté et utilisé dans plusieurs pays, notamment l’Australie, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Alors que le monde est en grande transformation, les citoyennes et les citoyens peuvent avoir de la difficulté à se représenter concrètement ce qui s’en vient, comme les changements climatiques. « Or, avant de réfléchir à des solutions, il faut commencer par imaginer ce qui s’en vient, explique Laurence Bherer. Parce que souvent, on ne sait pas trop par où prendre ce type de grand enjeu, on voit l’avenir très noir et cela explique pourquoi il y a beaucoup de déni et de sentiment d’impuissance. Les assemblées du futur invitent donc les gens à imaginer ce que sera l’avenir, par exemple lorsqu’on vit autour d’un cours d’eau ou dans un quartier très chaud l’été. Cela permet de mettre des mots sur les peurs et les aspirations, puis de développer un imaginaire commun. »
Mme Bherer croit qu’après ce genre d’exercice qui permet d’évacuer des tensions, les municipalités peuvent plus facilement prendre des décisions difficiles et les expliquer. « … par exemple, en matière de densification, de réduction de la place de la voiture, etc. Et l’assemblée du futur est très adaptée aux petites municipalités. On en voit beaucoup en France. »
Il est important de mentionner également les budgets participatifs, une initiative démarrée en 1989 à Porto Alegre, au Brésil. Le budget participatif permet à la population locale d’identifier les enjeux de leur Ville, les éléments sur lesquels il faut investir et de les placer en ordre de priorité, en fonction des ressources disponibles. Au besoin, les citoyennes et les citoyens peuvent revoir des mesures fiscales pour mieux redistribuer la richesse. « Le budget participatif s’est vraiment déployé dans le monde avec différents modèles, remarque la professeure. Mais étrangement, le Canada est l’un des seuls pays occidentaux où l’initiative a très peu percé. Le Québec est toutefois la province où il y en a le plus, notamment à Montréal. Mais souvent, c’est ponctuel : c’est difficile de voir les budgets participatifs durer dans le temps. »
En explorant ces modèles innovants de gouvernance locale, le Québec peut trouver de précieuses inspirations pour renforcer la collaboration citoyenne et faire face aux défis de demain. D’ailleurs, certaines municipalités québécoises font preuve de proactivité et mettent en place des initiatives pour renforcer la collaboration.
Cet article a été publié dans le magazine URBA de septembre 2024.
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