Publié le 23 septembre 2024
Sondage Léger-UMQ – Pour mieux cerner les défis vécus par les personnes élues au niveau municipal au Québec, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) a collaboré avec la firme Léger pour sonder directement 1380 élues et élus entre le 20 mars et le 7 avril dernier. Voici les principaux enseignements de ce sondage.
Avant d’aborder les défis et des pistes de solutions pour améliorer la situation pour les personnes élues au municipal, commençons par regarder pourquoi elles ont voulu s’engager en politique. C’était d’abord pour faire une réelle différence pour la société ou leurs communautés. Pratiquement chacune d’entre elles (97 %) a l’impression qu’elle y arrive. C’est aussi ce qui peut les convaincre de rester en poste malgré les défis. Pour retenir les talents en politique municipale, on a donc tout avantage à réunir différentes conditions pour soutenir et renforcer la capacité des personnes élues à agir pour le bien de leurs communautés.
Le premier constat du sondage est que les personnes élues cumulent souvent plusieurs fonctions et responsabilités. Souvent, particulièrement dans les petites et moyennes villes et municipalités, elles occupent un autre emploi (58 %). Cet autre travail est d’ailleurs à temps plein pour 38 % d’entre elles. En moyenne, cela les amène à travailler environ 50 heures par semaine, incluant les heures rémunérées.
En outre, 26 % des personnes élues ont un enfant mineur à domicile. Cette proportion grimpe à 65 % lorsqu’on se limite aux personnes âgées de 18 à 54 ans. De plus, 17 % des personnes élues sont également proches aidantes, avec une répartition intéressante : 26 % parmi les femmes et 12 % parmi les hommes.
Résultat ? On s’en doute : la conciliation travail – vie politique – vie personnelle est dite plutôt difficile pour 37 % des personnes élues. Cette proportion passe à 58 % chez ceux et celles qui sont dans une municipalité de 100 000 habitantes et habitants et plus, à 56 % chez les parents d’enfants mineurs, à 48 % chez les maires et à 46 % chez les proches aidants.
D’ailleurs, il faut souligner que 58 % des personnes élues jugent que leur travail a des répercussions négatives sur leur vie familiale. Cette proportion passe à 75 % chez les personnes élues dans une municipalité de 100 000 habitantes et habitants et plus, à 72 % chez les parents d’enfants mineurs, à 67 % chez les maires, à 65 % chez les femmes et à 64 % chez les proches aidants.
Le sondage montre donc que certains groupes d’élues et élus – les femmes, les proches aidants, les parents d’enfants mineurs, les maires et les personnes élues des grandes villes – semblent vivre une détresse beaucoup plus importante que leurs collègues. Sans surprise, ce sont les personnes qui cumulent plusieurs responsabilités ou qui ont des charges de travail particulièrement lourdes qui éprouvent le plus de difficultés à concilier leur vie professionnelle et personnelle.
Malheureusement, ces difficultés ont aussi un impact sur la santé mentale. Globalement, l’état des personnes élues au municipal se compare à l’ensemble de la population : 65 % d’entre elles évaluent avoir une excellente ou une très bonne santé mentale. Cependant, si on regarde du côté des femmes élues, la proportion baisse à 56 %. Pire encore, la proportion descend à 39 % chez les personnes élues avec des enfants en bas âge et chez celles qui sont dans de grandes villes.
Dans de nombreux cas, les groupes confrontés à des défis en matière de conciliation travail-vie personnelle et de santé mentale sont également ceux pour lesquels nous rencontrons des difficultés de recrutement. Cela met en lumière l’importance cruciale d’adopter des mesures pour améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. En l’absence de telles actions, nous risquons de compromettre nos objectifs en matière de représentativité et de diversité au sein des instances municipales.
Ces dernières années, les violences et les incivilités envers les élues et les élus sont devenues courantes. Dans le cadre de leur fonction d’élu, pas moins de 58 % de ces personnes disent avoir vécu de la violence verbale, 46 % de l’intimidation ou des menaces, 36 % du harcèlement et 4 % de la violence physique.
Le sondage nous révèle également qu’une plus grande proportion de femmes affirme avoir vécu de la violence : pas moins de 62 % des élues pour la violence verbale et 53 % pour l’intimidation et les menaces. C’est encore plus vrai si on regarde du côté des personnes élues qui ont déjà envisagé de démissionner. En effet, 73 % d’entre elles disent avoir vécu de la violence verbale, 61 % de l’intimidation ou des menaces, 51 % du harcèlement et 5 % de la violence physique. Il est donc essentiel de mettre en place des mesures préventives et de disposer des outils nécessaires pour intervenir efficacement afin de favoriser leur rétention.
Le sondage évalue également le climat de travail. La majorité des élues et élus jugent que le climat de travail est harmonieux, non seulement avec les employés municipaux (58 %), mais aussi au sein de leur propre conseil (52 %).
Cela dit, à l’autre extrême, le climat de travail est aussi qualifié de toxique, malsain ou conflictuel entre les élues et les élus par 19 % des personnes répondantes et si on regarde seulement dans les villes de 100 000 habitantes et habitants et plus, on grimpe à 42 %. Il existe donc à la fois une majorité de conseils qui arrivent à maintenir un climat sain entre les personnes élues, et dont les bonnes pratiques peuvent inspirer et 20 % des conseils où des outils sont nécessaires pour ramener une culture politique de collaboration.
12% des personnes répondantes considèrent le climat malsain, toxique ou conflictuel lors des conseils municipaux, entre les personnes élues et les citoyennes et citoyens. Et cela ne va pas en s’améliorant. En effet, pas moins de 71 % des personnes élues qui ont au moins trois ans d’ancienneté considèrent que leur climat de travail s’est détérioré dans les cinq dernières années. La proportion grimpe à 82 % dans les villes de 100 000 habitantes et habitants et plus.
Cette détérioration récente des climats de travail n’est pas propre au milieu politique et est ressentie à plusieurs niveaux. Lors du Sommet sur la démocratie municipale, qui aura lieu le 17 octobre prochain, l’un des ateliers visera d’ailleurs à comprendre le contexte global dans lequel les personnes élues municipaux évoluent !
Déjà, du travail a été fait pour améliorer la situation et mieux soutenir les élues et élus. On pense par exemple à l’adoption du projet de loi no 57 au début juin pour mieux protéger les personnes élues face aux comportements abusifs. Mais, il reste du travail à faire alors que pas moins de 43 % des personnes élues au municipal ont déjà envisagé de quitter leurs fonctions.
Parmi les principaux irritants associés à leur rôle, les personnes élues ont mentionné surtout le manque de ressources pour réaliser leurs objectifs (61 %) et le manque de valorisation et de reconnaissance envers leur travail (49 %). Tout de même, malgré les défis et les irritants soulevés, plus de 67 % des personnes élues recommanderaient à un proche de se porter candidat aux élections municipales. Cette proportion pourrait augmenter si des actions préventives et des outils d’intervention continuent d’être développés pour les personnes élues, particulièrement pour les groupes les plus vulnérables, la population et les gouvernements. Il y a donc de l’espoir !
Bien que plusieurs élues et élus rapportent une satisfaction quant à leur capacité à influencer positivement leur communauté, il est crucial de reconnaître les besoins criants en matière de soutien et de reconnaissance et d’y répondre. Les efforts récents, tels que l’adoption du projet de loi no 57 pour protéger les personnes élues contre les comportements abusifs, représentent un pas dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup à faire. Ensemble, en travaillant de concert avec les municipalités, les organismes et les citoyennes et citoyens, nous pouvons créer un environnement où les personnes élues se sentent soutenues, valorisées et capables de répondre efficacement aux besoins et aux défis de leurs communautés locales.
Cet article a été publié dans le magazine URBA de septembre 2024.
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