Publié le 6 octobre 2022
L’UMQ désire porter à votre attention une décision récente de la Cour d’appel concernant la mise en œuvre de la Loi visant principalement la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de contrats publics (« Loi visant la récupération »). Il s’agit d’une loi adoptée en réaction aux révélations faites par plusieurs acteurs dans le domaine de l’attribution des contrats publics durant les audiences de la Commission d’enquête Charbonneau. Elle comporte des mesures exceptionnelles adaptées au remboursement et au recouvrement de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de l’adjudication, de l’attribution ou de la gestion de contrats publics.
Au moment des évènements en litige, la Ville de Laval (« Ville ») accorde depuis près de 20 ans à Les consultants Gauthier Morel inc. (« CGM ») divers contrats de consultant en informatique. En 2011, la Ville met fin à l’un de ces contrats, résiliation que CGM considère comme fautive. Elle intente donc une réclamation contre la Ville, laquelle est contestée. La Ville formule une demande reconventionnelle par laquelle elle réclame à son tour les honoraires qu’elle soutient avoir payés en trop à CGM dans le cadre de certains contrats. Selon elle, CGM aurait participé au contournement des règles d’ordre public d’octroi des contrats prévues dans la Loi sur les cités et villes (« LCV ») de manière que ces contrats lui soient octroyés, faisant en sorte que la Ville aurait payé plus cher pour les services en cause. Ainsi, la réclamation de la Ville prend appui sur la Loi visant la récupération.
Si divers aspects factuels et juridiques sont abordés dans ce litige, nous souhaitons porter votre attention sur un aspect spécifique de la décision, à savoir le fardeau de preuve particulier qu’impose la Loi visant la récupération quant aux notions de « fraudes » et de « manœuvres dolosives ».
À cet égard, la Cour d’appel accueille en partie l’appel de la Ville en interprétant en sa faveur le sens à donner aux mots « fraude » et « manœuvre dolosive ». Ainsi, la Cour détermine que ces notions réfèrent aux dispositions prévues dans le Code civil du Québec et non à leur pendant criminel. En ce sens, elle conclut qu’en matière d’appel d’offres public, tout geste posé volontairement afin de contourner les règles d’attribution d’ordre public se qualifiera de fraude ou de manœuvre dolosive au sens civil de ces termes et sans besoin de référer au sens que ces notions ont en droit criminel. En conséquence, toute démarche volontaire et occulte qui aurait pour objectif de contourner les règles strictes d’adjudication des contrats prévues aux articles 573 et suivants LCV pourra être qualifiée de manœuvre dolosive au sens de la Loi visant la récupération.
Selon la Cour, le fait pour des fonctionnaires de la municipalité d’avoir manipulé les conditions et critères de l’appel d’offres afin que ce soit CGM qui obtienne le contrat de services professionnels rencontre le fardeau de preuve pour donner ouverture au remboursement. Dès lors qu’une violation substantielle d’une règle fondamentale du processus d’appel d’offres public à laquelle la Ville est assujettie est prouvée, aucune autre preuve n’est nécessaire.
La Cour, en application de ces mêmes principes, conclut toutefois, pour un autre contrat, que le seul fait que la Ville ait pu recommander un bon candidat à une entreprise intéressée à soumissionner ne constitue pas en soi une manœuvre dolosive ou une fraude aux règles d’attribution d’un contrat.
Finalement, la Cour considère que la Ville n’a pas diffamé CGM par le biais des allégations formulées dans sa demande qui ne font qu’employer les termes que le législateur a choisis afin de donner effet aux présomptions de la Loi visant la récupération. Conclure autrement dans les circonstances, aurait pour effet d’inhiber toute municipalité qui souhaiterait déposer un recours basé sur la Loi visant la récupération pour le remboursement et le recouvrement des sommes qui, selon elle, auraient été payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de l’adjudication d’un contrat, de crainte de se faire condamner pour diffamation simplement parce qu’elle n’a pas réussi à prouver tous les éléments de la faute.
Veuillez noter que le délai pour porter cette décision en appel n’est pas expiré.
Pour consulter le texte intégral de la décision, cliquez ici.
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