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Femmes et gouvernance : entretien avec Marie-Claude Barrette

Publié le 18 juillet 2024

 

Dans un monde où les élues et élus municipaux sont confrontés, par leur fonction et leurs responsabilités, à une pression constante qui rejaillit sur toutes les sphères de leur vie, la question de l’équilibre entre l’engagement politique et la vie personnelle demeure centrale. Dans cette optique, la Tribune Femmes et gouvernance s’apprête à accueillir une pléiade d’invitées et invités remarquables lors de son prochain déjeuner-conférence sous le thème De l’art de concilier engagement politique et vie personnelle.

 

Vous avez mené une carrière variée, combinant l’animation et le monde des affaires. Comment parvenez-vous à équilibrer ces différentes facettes de votre vie professionnelle avec vos responsabilités familiales ?

Je n’ai jamais cherché à ce que ma vie soit un long fleuve tranquille. Dès mon passage à l’école secondaire, je m’impliquais socialement. J’avais besoin de sentir que je faisais partie d’une communauté pour être équilibrée. Je n’ai jamais eu de plan de vie ni personnel ou professionnel. Je suis instinctive. Ce qui m’a permis jusqu’à aujourd’hui d’aimer ce que je fais. Rien n’est linéaire dans ma vie. J’aime relever des défis. Me sortir de ma zone de confort.

Au cours des dernières années, il y a eu des moments difficiles sur le plan personnel. J’ai été proche aidante de ma mère pendant quatre ans. Après son décès, j’ai compris comment j’étais fatiguée. Heureusement que ma famille était là. Poursuivre les engagements professionnels en vivant un deuil et être sur le bord de l’épuisement, on ne passe pas à travers de cela seule. On a toujours besoin des autres. Mes trois enfants sont maintenant adultes et je serai grand-mère à l’été. C’est une étape qui débute, un nouveau rôle. Mon équilibre est dans tout cela. Avoir du temps pour ma famille, m’impliquer socialement et donner un sens à mon travail.

 

En tant que personnalité publique, comment gérez-vous les exigences constantes de l’attention du public tout en préservant votre intimité et celle de votre famille ? Quelles sont vos stratégies pour gérer le stress et maintenir votre bienêtre mental et physique ?

Ce n’est pas toujours facile de faire abstraction du regard des autres. Ma façon à moi est de rester fidèle à qui je suis. Je me souviens quand les enfants étaient plus jeunes, quelquefois j’élevais la voix dans un magasin et je sentais un certain jugement. J’étais la mère qui disait non à un de ses enfants, je n’étais pas en représentation. Il y a une différence à faire qui est importante. Dans la sphère publique, on nous demande de représenter les fonctions que l’on occupe à travers certains événements, mais avec nos proches on ne doit pas jouer à la personnalité publique. C’est à ce moment que l’équilibre se fragilise.

 

Comment percevez-vous le rôle des femmes dans ces domaines et quels sont les défis spécifiques auxquels les femmes peuvent être confrontées en conciliant carrière et vie personnelle ?

Une vie où la politique est présente devient complexe. C’est un engagement qui demande des convictions. Cela vient avec des activités qui se déroulent autant les week-ends que la semaine. Cela vient aussi avec la pression de prendre position. De polariser l’opinion, de vivre avec de l’opposition. Cela vient avec un agenda très chargé. De voir des femmes en politique enceintes ou encore entourées de leurs jeunes enfants, je trouve cela inspirant. Il y a 35 ans, c’était rarissime. L’un n’allait pas avec l’autre. On doit avoir de l’aide. On doit l’accepter. Le danger pour nous les femmes est d’avoir l’impression que l’on peut tout faire. Quand j’étais une militante active, mes parents et mes beaux-parents étaient présents. Sans eux, cela n’aurait jamais été possible. La politique était une affaire de famille.

 

Étant donné votre expérience professionnelle variée et votre engagement dans la vie publique, comment pensez-vous que les perceptions et les attitudes envers la conciliation travail-vie personnelle ont évolué au fil du temps, et quels sont vos conseils afin de concilier ces responsabilités avec une carrière exigeante, tout en préservant un équilibre émotionnel et une qualité de vie satisfaisante ?

Même si les femmes sont plus présentes dans les postes décisionnels, il n’en demeure pas moins que la charge mentale ne diminue pas. Le défi est d’accepter de ne pas être parfaite. Cela semble cliché, mais non, j’entends toujours cela. Vouloir être à 100 % partout sinon la culpabilité s’installe. La conciliation famille-carrière ne se fait jamais dans le calme. C’est une recherche constante d’équilibre, mais honnêtement, cela est bien personnel. Au moment où l’on accepte que rien ne soit parfait et que cela ne se passe pas comme nous nous l’étions imaginé, la pression diminue et l’on arrive à profiter du présent, du moment.

Soyons plus douces envers nous. On doit se poser la question : de quoi ai-je besoin pour me sentir bien ? La réponse à cette question évolue au fil du temps. On doit faire des choses qui nous permettent de nous sortir la tête de l’eau. Demander de l’aide ce n’est pas un signe de faiblesse. Souvent, ça permet aux gens autour de nous de sentir qu’ils ont une importance dans notre vie. Accepter que les choses ne soient pas faites à notre manière. Le lâcher-prise sur ce que l’on ne contrôle pas. Ne pas mettre toute la pression sur la famille, la vie professionnelle ne doit pas dominer. On doit dire non à certains engagements. Arriver à se sentir bien avec ses propres choix.

 

Cet article a été publié dans le magazine URBA de mai 2024.

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