Publié le 20 Décembre 2024
Les récentes modifications des normes juridiques encadrant les municipalités offrent de nouvelles opportunités pour favoriser le développement de logements sociaux, abordables et adaptés aux étudiantes et étudiants. Ces pouvoirs spécifiques, conçus pour soutenir de tels projets, sont indispensables compte tenu des enjeux uniques liés à leur financement et à leur mise en œuvre. En explorant ces changements, nous allons mettre en évidence leur potentiel de transformation du paysage du logement pour répondre aux besoins grandissants de nos communautés.
L’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) est un organisme à but non lucratif (OBNL) dont la mission est de concevoir, construire et gérer de manière responsable des logements durables adaptés aux besoins de la population étudiante au Québec. L’UTILE souhaite lancer quatre chantiers par année pour loger 3 000 étudiantes et étudiants d’ici 2028. Cet objectif ambitieux permettra de développer un parc immobilier durable tout en maintenant l’abordabilité. Présent à Montréal, à Québec, à Trois-Rivières, à Rimouski et à Sherbrooke, l’UTILE a plusieurs projets opérationnels, en construction ou en développement. Pour les réaliser, l’organisme doit naviguer dans un paysage complexe de financement. Nous avons rencontré Isabelle Thérien, directrice de l’investissement et des partenariats majeurs, pour démystifier les montages financiers des projets de logement abordable.
Les programmes de financement pour les projets de logements sont nombreux et en constante évolution : Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), décrets gouvernementaux pour les promoteurs qualifiés, fonds fiscalisés gérés par le Fonds immobilier du Fonds de solidarité FTQ et par Desjardins, fonds pour le logement abordable (FLA), Fonds municipal vert… autant d’initiatives avec des conditions et critères diversifiés. Malgré la multitude de programmes, chacun fonctionne avec des cadres normatifs différents et indépendants, ce qui complique la coordination. De plus, les critères d’admissibilité diffèrent d’un programme à l’autre et leurs échéanciers sont décalés, rendant le processus d’obtention de financement encore plus ardu.
Les tentatives d’arrimage des programmes se heurtent souvent à une rigidité qui empêche l’adaptation nécessaire. La notion d’abordabilité, par exemple, n’est pas définie de la même manière par le gouvernement du Québec et celui du Canada, ni même d’un programme à l’autre au sein du même palier de gouvernement. Cela rend difficile le dépôt d’une demande de financement qui répond nécessairement aux exigences de tous les programmes et niveaux de gouvernement. Un des principaux défis lors du développement d’un projet de logement par un OBNL en habitation est d’obtenir un financement de démarrage. L’acquisition de terrains, les évaluations agréées, les études de viabilité financière, les analyses environnementales, la réalisation d’études des sols et de la capacité portante d’un bâtiment ainsi que la préparation des plans préliminaires d’architecture engendrent des coûts élevés, tandis que les options de financement pour cette étape cruciale restent limitées, voire inexistantes. Pourtant, tous les programmes exigent que le projet soit prêt à démarrer, ce qui implique que ces phases de développement aient été franchies.
Il n’existe donc pas de recette magique pour financer un projet d’habitation.
Bien que l’équipe de financement de l’UTILE n’ait pas de solution miracle, elle a néanmoins identifié les incontournables d’une formule gagnante.
Pour amorcer des projets, l’UTILE doit faire des concessions et prendre certains risques, notamment en acceptant des financements à des taux d’intérêt plus élevés et en contractant des prêts de démarrage. Cette prise de risque est la condition par laquelle l’UTILE réussit à développer plus de projets plus rapidement.
L’UTILE a une fine connaissance des pratiques de financement utilisées dans le privé et parvient à trouver des moyens de les mettre au profit de projets de logements à but non lucratif.
La capacité de jongler avec les exigences de programmes de financement et des prêts hypothécaires privés est un trait distinctif de l’UTILE. Naviguer dans cet environnement complexe nécessite l’expertise de spécialistes du financement, permettant d’adapter les projets aux ressources financières existantes.
« Il faut accepter de jouer avec l’aiguille de l’abordabilité pour adapter les projets aux différents types de financement. Les municipalités peuvent certainement agir comme facilitatrices en arrimant leurs propres normes d’abordabilité sur ce qui est déjà prévu dans les financements existants », souligne Isabelle Thérien.
Pour favoriser le développement de logements abordables par des OBNL, les municipalités doivent adopter plusieurs mesures essentielles qui contribueront à la création d’un cadre financier viable.
Pour l’UTILE, il est crucial de faciliter la densité pour les projets immobiliers menés par des OBNL. En autorisant une augmentation de la densité, les municipalités permettent à ceux-ci de dégager des revenus d’exploitation plus importants, haussant par le fait même la rentabilité des projets et diminuant ainsi le niveau de risque porté par les développeurs.
Il est également important de considérer les logements abordables pour les OBNL comme une classe à part. « Les OBNL ont des besoins uniques qui devraient être reconnus et pris en compte dans les politiques municipales », soutient Madame Thérien. Chaque municipalité a ses propres ententes et normes, et cela peut entraîner des disparités dans le traitement des projets de logements abordables. Une harmonisation des politiques et des pratiques est nécessaire pour assurer une approche cohérente et efficace. Étant souvent les dernières intervenantes dans le processus de financement d’un projet, il est essentiel que les municipalités adoptent des critères qui se collent aux modalités des leviers financiers avec lesquels travaillent les développeurs à but non lucratif.
Les municipalités doivent également élaborer une vision d’avenir qui intègre la durabilité et l’accessibilité. Cela implique de réfléchir à long terme et de s’engager à soutenir les projets de logements abordables au fil du temps.
En mettant en place ces mesures, les municipalités peuvent jouer un rôle clé dans la création d’un environnement propice au développement de logements abordables, renforçant ainsi toutes les initiatives visant à améliorer l’offre dans l’ensemble du Québec.
Cet article a été publié dans le magazine URBA de décembre 2024.
Le bulletin Carrefour Municipal
Abonnez-vous!
Envoyez-nous une nouvelle!