Publié le 20 Décembre 2024
Par Me Jason Prévost, LL.B. – Conseiller juridique en droit municipal
Le processus référendaire en matière d’aménagement du territoire existe en droit québécois depuis fort longtemps et a beaucoup évolué pour devenir le régime particulier que l’on connait de nos jours. À la base, ce régime devait consacrer « le droit des citoyens et des citoyennes à être informés, à être entendus et à approuver ou à rejeter certaines mesures des règlements d’urbanisme lorsque celles-ci sont modifiées. »2
Dépendamment de l’objet de la modification, le processus d’adoption du règlement peut être très complexe. Ce processus peut comprendre notamment l’adoption de deux projets de règlement, la publication de deux avis publics, et potentiellement trois étapes distinctes d’approbation référendaire, allant jusqu’au scrutin référendaire. Cette procédure est lourde, complexe et inefficace.
Elle nécessite en effet la mobilisation de plusieurs ressources au sein de la municipalité à chacune des étapes du processus et s’éternise sur plusieurs mois. Sous réserve de dispositions dans des lois particulières, les mêmes règles de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme3 s’appliquent pour l’ensemble des municipalités de la province indépendamment de leur taille.
Cela représente un important fardeau, surtout pour les municipalités de plus petite taille. La complexité du processus d’adoption d’un règlement d’urbanisme, et plus particulièrement lorsque des dispositions sont susceptibles d’approbation référendaire, suscite la grogne au sein des municipalités et auprès des développeurs depuis des décennies. Lorsque des citoyennes et citoyens se sentent interpellés, positivement ou négativement, par un projet d’envergure sur le territoire de la municipalité, ils sont vite dépassés par la complexité des règles. Dans ces cas, la municipalité doit être en mesure de répondre aux nombreuses questions de la population et de l’accompagner tout au long du processus référendaire, dont la détermination des zones visées par un projet, et les personnes habiles à voter, sujets qui suscitent régulièrement la controverse au sein de la population. Rappelons que dans le cadre de cette procédure, les personnes ne répondant pas aux critères ou se trouvant à l’extérieur des zones visées n’ont pas formellement le droit de se prononcer à l’égard des projets.
Ainsi, plusieurs personnes du monde municipal remettent en cause la procédure d’approbation référendaire. Elles s’interrogent sur sa capacité à véritablement atteindre les objectifs d’informer la population et à lui permettre de se prononcer à l’égard de certaines décisions en matière d’urbanisme. Dans un jugement déclaratoire impliquant la Ville de Saguenay, la Cour supérieure a dû se pencher sur l’interprétation de l’article 130 de la LAU4. Il a été déterminé qu’en vertu de l’article 130 alinéa 4, une demande d’approbation référendaire relativement à une disposition modifiant la classification des usages ne peut provenir d’une zone contiguë que si une demande a été formulée par la zone concernée. Dans cette décision, la Cour a déterminé que la LAU elle-même empêchait la Ville de tenir compte de l’action citoyenne qui était en défaveur du projet. Au dire du tribunal, « le législateur aurait intérêt à modifier le libellé de l’article 130 en question afin de permettre le processus de consultation légitime pour les citoyens affectés lors d’une demande de modification. »5 Cet exemple illustre un cas extrême, mais non isolé, de la déficience de la procédure référendaire de la LAU.
À la suite de nombreuses représentations des organisations du monde municipal, incluant l’Union des municipalités du Québec, le législateur a assoupli la procédure d’adoption de règlement d’urbanisme, notamment en limitant les projets susceptibles d’approbation référendaire :
Bien que les exceptions au processus référendaire se multiplient en fonction de la réalité municipale, plusieurs irritants intrinsèques au modèle actuel d’approbation référendaire demeurent. Dans plusieurs cas, ce modèle renforce un paradigme de confrontation au lieu de miser sur une approche collaborative entre les personnes concernées qui a pour effet de bloquer des projets structurants pour les municipalités du Québec. Pourtant, les municipalités reconnaissent la nécessité de tenir leurs populations informées des modifications règlementaires et les tribunaux soulignent régulièrement l’importance du principe sacrosaint qui est la consultation publique12.
Dans cette optique, plusieurs municipalités ont plutôt misé sur une approche plus conciliatrice et transparente en se dotant d’une politique de participation publique complémentaire et parallèle à la LAU. Cette nouvelle tendance vise à bonifier les pratiques en participation publique, pour combler les carences de la LAU. Or, ne serait-il pas temps de procéder à une vraie refonte de l’archaïque procédure d’approbation de la LAU, afin qu’elle puisse répondre aux besoins modernes des municipalités et de leurs populations?
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Cette chronique a été publiée dans le magazine URBA de décembre 2024.
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